Web 3.0

Web

la toile … le Web

« Le succès c’est d’aller d’échec en échec sans perdre son enthousiasme »

Winston Churchill  

Historique

Il y eut d’abord le Web 1.0 et ensuite le Web 2.0. Pour mieux comprendre le Web 3.0, encore faut-il faire un rapide retour en arrière sans pour autant remonter des décennies en arrière. Car cette évolution que nous connaissons est l’une des plus fulgurantes dans l’histoire des technologies et des plus impactantes dans nos modes de vies. C’est aussi un sujet qui porte à controverse.

L’utilisation d’une numération telle qu’employée dans l’article ne revêt aucun caractère officiel, ce n’est qu’une commodité de langage qui ne renvoie à aucune norme particulière, aucune spécification. Ce ne sont que des termes marketing. Pour le Web 3 ou Web 3.0, il y a deux acceptions différentes : certains utilisent cette appellation pour désigner le Web sémantique. D’autres l’utilisent pour le métavers.

Le Web 1.0

En effet, c’est seulement 30 ans en arrière qu’il faut retourner, à savoir juste une génération. C’est en 1989, nous sommes un certain nombre à nous en souvenir, qu’Internet émerge et avec lui le Web 1.0.

C’est une véritable révolution des usages informatiques à laquelle nous assistons, préfigurant ce qui allait devenir « le numérique ». Les pages Web voient le jour d’un côté et de l’autre la pratique des e-mails survient, ceci avec une progression incroyable, tant l’intérêt de ces deux applications d’Internet répond à des besoins réels et une appétence.

Nous en sommes au début, seuls des développeurs aguerris sont en mesure de construire ce que l’on appelle déjà des « sites » à partir de pages Web. La plupart des institutions, publiques comme privées, s’en emparent.

Les jours du minitel sont désormais comptés et, avec lui, l’avance technologique française (arrêt du service le 30 juin 2012).

Mais avec lui, c’est la démocratisation et la mondialisation des usages d’Internet qui est en marche.

Le Web 2.0

Petit saut dans le temps (2005) et c’est l’avènement du Web 2.0 (appelé aussi Web participatif) et l’incroyable élargissement des usages et sa démocratisation : naissance des plates-formes et des réseaux sociaux. Chaque internaute, ainsi désigné, est en mesure de créer des comptes, de produire et de partager du contenu. C’est l’apparition et la multiplication des blogs, des Wikis et l’usage participatif. Il accouche ainsi d’une révolution complète des interactions entre les individus. Tout est devenu déjà plus simple (d’où sa foudroyante expansion), avec peu de connaissances techniques, il devient aisé de se familiariser avec ces nouveaux usages. L’Internet des spécialistes passe aux mains du plus grand nombre.

Tout en se complexifiant d’un point de vue technologique, il ouvre sa porte à l’échange d’informations et surtout aux interactions. Peu à peu, au moyen d’outils simples à s’approprier les internautes construisent et élargissent le Web qui devient alors social…

L’emballement se caractérise par un développement considérable de Startups, celles-ci devenant rentables. Après l’explosion de la bulle Internet en 2001, le Web 2.0 consacre le retour de nombreux investisseurs accélérant le processus général de développement. C’est aussi l’émergence de quelques entreprises au destin prometteur, Mark Zuckerberg, le fondateur de Facebook est ainsi devenu milliardaire à 23 ans !

C’est aussi l’arrivée des activistes de tout poil qui prennent appui sur l’accélération de la diffusion de l’information, et son corollaire l’interaction. Les partis politiques, les syndicats, les mouvements associatifs, quittent en partie le réel pour interagir sur la toile.

Le Web 3.0

Celui-ci est en train de se construire, aussi n’est-il pas aisé d’en donner une définition stable, il n’en est qu’à ses débuts.

Nous y sommes presque… Il s’agit de rendre aux utilisateurs l’entière propriété de leurs données personnelles. C’est à eux de s’en emparer.

Cette fois, nous sommes dans un Web « décentralisé » prenant appui sur des chaines de blocs (blockchains). À cette heure, les cryptomonnaies en sont l’illustration. En prenant appui sur des technologies comme les NFT et le métavers.

Il permet donc à tout internaute de gérer et surtout de contrôler ses identités numériques (avec bien sûr les données personnelles associées) et être présent dans la gouvernance de la toile.

La décentralisation

Contrairement au Web 2.0 c’est un réseau d’utilisateur, les organisations autonomes décentralisées (DAO) qui sont en charge de la gouvernance. Toutes nouvelles mises à jour, transactions, ne peuvent se réaliser sans une approbation collective.

Le contrôle des données

Seuls ceux possédant les droits sur le chiffrement des données stockées peuvent avoir accès. Aucune personne ou entité ne pourra accéder ou changer les données d’un fichier sans l’autorisation du propriétaire, ou un accord issu de la majorité du réseau distribué.

La confidentialité

La liberté d’expression des créateurs de contenu est totale, ils ne sont sous le joug d’aucune espèce de censure unilatérale comme le pratique Twitter, Facebook ou YouTube. Seule une décision collective d’une DAO peut en décider.

La sécurité

En cas de panne ou de problèmes techniques d’un serveur, en vertu du réseau distribué, les données seront toujours préservées sur les autres serveurs de la chaine. Rien ne se perd…

La rémunération

Dans le Web 2.0 les créateurs sont à la fois dépendants des plateformes, mais surtout leur rémunération est infime, les plateformes s’attribuent l’essentiel des revenus générés. Il n’y a pas d’intermédiaire sur le Web 3.0. Les créateurs sont en contact direct avec leur audience. Ils en tirent donc un revenu bien plus conséquent. Cette technologie permet de posséder effectivement un actif numérique, dont on peut tracer la provenance et, affirmer l’authenticité, par le biais d’un certificat de propriété. Le champ des applications est vaste : dans les jeux vidéos où les objets in-game peuvent être des actifs numériques, ou encore de manière plus visible dans le domaine de l’art numérique.

Le Web 3.0 : plein de promesses ou d’illusions ?

Nous sommes au seuil de quelque chose d’encore plus important.

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Sandy Carter

Sandy Carter, ancienne vice-présidente d’Amazon déclarait récemment : « le Web 3.0 crée un véritable modèle de propriété sur Internet qui associe l’économie, l’art, la technologie d’une façon incroyablement intéressante. »

Il est vrai qu’il évoque une version nouvelle d’un Internet décentralisé. Chaque internaute devient enfin totalement propriétaire de ses données personnelles en passant par la blockchain.

Serait-ce la fin de ces énormes serveurs centralisés et contrôlés par les géants de la toile (Google, Apple, Amazon…)  et où chaque utilisateur devient un relais ?

Aujourd’hui, nous sommes bien obligés de donner notre confiance quant à l’utilisation de nos données personnelles. Et comment assurent-ils leur intégrité ? Chaque jour, l’actualité délivre son information de fuites de données, de vol d’identité, de hacks, de ventes sans consentement, explosion des rançongiciels, scandale Cambridge Analytica, Facebook files…

La centralisation du Web 2.0 a mis à disposition des utilisateurs une infrastructure robuste et a ouvert son usage à des milliards d’êtres humains.

Mais la contrepartie, le prix à payer en vaut-il la peine ? Les mêmes, outre la commercialisation de nos données, sont désormais en mesure d’exercer une censure contre tout ce qui ne leur convient pas.

Des obstacles encore à surmonter

  • Le niveau technologique étant très élevé, il faut à disposition des ordinateurs de pointe. L’état actuel ne le permet pas et, de fait, seul un nombre limité d’utilisateurs auront les moyens de s’équiper.
  • Toutes les données et sites de l’ancien monde seront absolument obsolètes. Et les mises à jour, pour en assurer le transfert vers le Web 3.0, n’existeront pas. L’évolution vers ce dernier progressivement marginalisera le Web 2.0.
  • L’intelligence élevée de ce nouveau monde ne pourra pas être adoptée par le plus grand nombre, mais sera réservée à une élite. Les pas technologiques à franchir, l’évolution des lois à conduire sur la protection de la vie privée et des données sont encore bien immenses.
  • La gestion de la « réputation »  deviendra plus que préoccupante. Les questions de marques, de réputation et d’images en ligne seront au cœur des problématiques à venir.

En conclusion, cette complexité inhérente au Web 3.0 sera un frein durable à la généralisation de son usage au plus grand nombre.

Quelques exemples de mise en œuvre

La 5G, la multiplication des objets connectés, l’irruption de la connexion dans les appareils ménagers ouvrent d’ores et déjà des perspectives d’application dans de nombreux domaines : l’éducation, les réseaux sociaux, l’assistance virtuelle, la messagerie, la navigation…

Une nouvelle génération de réfrigérateur  se met en place qui nous permettra à distance de savoir exactement quels sont les produits disponibles et à l’aide d’un assistant de passer commande des produits manquants. L’ensemble de la domotique migrera nécessairement vers le Web 3.0. La sécurité de votre domicile y sera incluse.

Votre assistant virtuel en utilisant la totalité de vos données portées à sa connaissance, sera en mesure de vous organiser le week-end ou les vacances parfaites quant aux lieux, à l’hôtel, au restaurant et avec les meilleurs prix.

Le Web 3.0 aura pour principale caractéristique et attraction de migrer vers une plus grande convivialité. En prenant appui sur la force du big data (qui est déjà un acquis) de l’intelligence artificielle (qui évolue de plus en plus vite) et de l’apprentissage automatique pour décrypter données et comportements des utilisateurs, ce sont des expériences, des propositions, des produits, des échanges personnalisés qui verront le jour.

Aujourd’hui Siri, Alexa, Google assistant prennent place au domicile, dans les bureaux et les usines, mais à cette heure, ils balbutient encore… bientôt l’échange se fera naturellement comme d’une personne à une autre personne. Sauf que derrière le haut parleur, l’autre personne disposera d’une intelligence inégalée.

Oui, nous sommes à un point où l’évolution du numérique pourrait très bien redistribuer de façon spectaculaire les cartes.

Attention Arnaque !

Tout n’est pas si merveilleux et bienveillant que l’on veut bien le dire. NFT, cryptomonnaies, finances décentralisées, tous ces eldorados annoncés ont donné lieu ces derniers temps à de retentissantes escroqueries. Le journal Le Monde dans un article en date du 20 avril 2022 fait état de :

  • une troisième procédure judiciaire allant à l’encontre d’OpenSea après le vol de NFT ;
  • une vulnérabilité technique détectée dans la plate-forme Rarible ;
  • un projet promu par un influenceur comme une opération de charité, qui, en fin de compte s’est révélé être une arnaque ;
  • Sur un site intitulé « Web3 Is Going Great » (le Web3 se passe super bien), la développeuse Molly White liste ainsi, non sans une certaine ironie, les escroqueries, spéculations et autres entreprises de margoulins qui sont, pour l’heure, légion dans le monde du Web3.0 (Elle dénombre 9 milliards de dollars escroqués ou perdus par les utilisateurs de ces applications).

La spéculation, elle-même, s’est installée au cœur du dispositif. On commence à assister à une financiarisation du Web à travers cette troisième grande étape du Web.

Olivier Blazy, professeur en sécurité informatique à Polytechnique exprime une opinion sans ambiguïté :

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Olivier Blazy

« On constate sur les applications basées sur la blockchain de nombreuses failles de sécurité bien connues qui pourraient être évitées – une mauvaise vérification de signature électronique par exemple. Or vu les sommes d’argent échangées sur ces plateformes, la moindre faille est exploitée par des pirates informatiques. Ces technologies sont souvent déployées trop vite, sans garde-fou, sous prétexte qu’elles sont innovantes et basées sur la blockchain. Mais la blockchain appliquée sans précaution n’est pas une garantie de sécurité informatique. Pour certaines applications, des bases de données centralisées seraient d’ailleurs tout aussi efficaces et moins dangereuses car plus facilement protégées. »

De son côté Pablo Rauzy, maitre de conférence en informatique dénonce l’inutilité de ces nouvelles infrastructures :

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Pablo Razy

« C’est certain qu’il y a un besoin de « déplateformiser » le Web, mais je ne pense pas que les outils de ce que certains appellent le Web 3 soient la bonne solution. Nous avons déjà des solutions technologiques qui permettent de décentraliser, tout simplement parce que le réseau Internet est pensé de manière décentralisée à la base. C’est étrange de vouloir rajouter des couches technologiques pour retrouver ce qu’on avait à l’origine. La concentration des pouvoirs chez les géants du numérique est avant tout un problème politique, plus que technologique. On devrait donc plutôt le résoudre avec des décisions politiques. Par ailleurs, les technologies blockchain ne sont pas à la portée de tout le monde. Il est un peu illusoire de penser que chaque utilisateur pourra s’en emparer. »

Autre souci, et pas des moindres, pour lui : « Ce solutionnisme technologique est selon lui néfaste, car la blockchain reste une technologie coûteuse (énergétiquement et financièrement), la plupart du temps inadaptée, et douteuse sur certains aspects. Elle ne permet pas de supprimer une information par exemple, et cela peut s’avérer problématique pour des applications dans le domaine de la santé notamment, où il existe le droit à l’oubli ».

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Stephen Diehl

D’autres évoquent ouvertement une campagne de propagande pro-crypto, comme Stephen Diehl : « Aux États-Unis, les cryptomonnaies sont partout dans l’environnement médiatique : presse, célébrités et publicités qui encouragent à investir dans les cryptomonnaies. La vision du monde que ces gens essaient de transmettre au grand public n’est pas cohérente selon moi avec ce que je connais de la finance et de l’économie. Ces entreprises vendent des produits financiers très risqués au grand public. Et leurs objectifs et modalités ne sont souvent pas clairs. »

Le paradis promis où l’on échapperait à l’emprise des GAFAM serait donc illusoire. On remarque que les entreprises du Web 3.0 sont finalement financées par les mêmes investisseurs que ceux du Web 2.0.

Bibliographie

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