Être ou ne pas être ultracrépidarienne?

Vous avez dit ultracrépidarienne ?

Adélienne passive, je devais atteindre le niveau supérieur, devenir active. Il m’a été demandé d’écrire un texte sur un sujet assez vague où je risquais de m’égarer et surtout inconnu. J’ai tout d’abord proposé :

– Le greenwashing. Est-ce une bonne idée ?

– Tu es la seule à avoir quelque chose à apprendre !

Ma nouvelle suggestion :

– Les entreprises disruptives…

– Trop tard !

Alors, en désespoir de cause, je devais être transformée sans l’aide d’une baguette magique en ultracrépidarienne. Je ne serais pas la seule. En effet, à l’heure des incertitudes quelles qu’elles soient, chacun donne son avis sans savoir. Ainsi, aux premières heures du coronavirus, tous se pressaient pour être interviewés par les différents médias. Souvent, ils commençaient leurs discours par ces mots :

– Je ne suis pas médecin, pas épidémiologiste… mais je pense que…

Malgré leur savoir médical, ils ne savaient pas qu’ils étaient atteints de la maladie du Nobel qui fait sortir imprudemment de son champ réel de compétence. Leurs théories souvent infondées étaient parfois farfelues, burlesques et plus grave erronées et même dangereuses. Ils s’étaient montrés, avaient plus ou moins fait le buzz. Peu importait la véracité de leurs propos. Il est aussi arrivé que des experts s’expriment. Ils n’étaient pas d’accord entre eux. Ils s’insultaient, se méprisaient. C’était pire que le « café du commerce ».

Écrire, parler de ce que l’on ne connaît pas, c’est le quotidien des réseaux sociaux avec son invasion de fake news, voire de complotisme. Il faut se montrer tel que l’on n’est pas, cacher son ignorance, même si elle conduit à la déstabilisation. Tous les évènements anxiogènes ont permis la réapparition soudaine d’un terme ancien, l’utracrépidarianisme, ou effet Dunning-Kruger, ou « effet de sur-confiance ». Moins on est qualifié dans un domaine, plus on affirme haut et fort sa compétence surestimée. Évitons de nous comporter en tautologues. Les mots ont un sens, un impact, même si les réseaux sociaux nous encouragent à ne pas avoir l’air ignorant, à avoir un avis sur tout sans être expert. Peut-être devraient-ils afficher sur chaque page la phrase d’Aristote : « L’ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit ». Ou encore celle de Charles Darwin : « L’ignorance engendre plus fréquemment la confiance en soi que ne le fait la connaissance ». Les internautes pourraient cesser de faire circuler les inepties dans les mêmes canaux que ceux des scientifiques.

Dans les entreprises, on note le même phénomène, qu’il s’agisse de réunions informelles ou avec ordre du jour établi, chacun donne son avis. Bien sûr, il y a des experts. Sont-ils écoutés ? Lorsque l’on est ignorant dans un domaine, il est souvent difficile de le reconnaître, de dire simplement « je ne sais pas », face à des êtres humains et non plus se cacher derrière l’anonymat d’une machine.

Il ne faut pas rejeter en bloc les sites, juste les utiliser à bon escient, réfléchir, s’informer chez les meilleurs, comme ADELI et rester humble. L’homme ne peut pas tout connaître.

Et pour finir, je ne peux m’empêcher de reprendre les mots d’Abraham Lincoln « il vaut mieux rester silencieux et passer pour un imbécile que de parler et n’en laisser aucun doute ». Ou encore l’idée de Michel Audiard : « Ce n’est pas parce que l’on a rien à dire qu’il faut fermer sa gueule ! », ou bien refusons le diktat imposé par certains utilisateurs du net.

Clap de fin…

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Publié dans Humour.

Membre du comité
Co-responsable du prix de la nouvelle

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