Histoire personnelle du traitement de textes et autres histoires ….

À l’occasion de cet anniversaire des 45 ans d’ADELI, je me suis plongé dans le passé avec comme ligne directrice mon rapport à l’écrit. Celui-ci remonte bien au-delà de la naissance d’ADELI, puisque j’ai 71 ans. Mais, l’exercice est intéressant.

J’avais donc 26 ans quand a été créée ADELI en 1978. Jusqu’à cette date, j’avais toujours entretenu un rapport à l’écriture très étroit et lié à ma passion pour la lecture, en attendant l’avènement du traitement de texte.

1952 – 1962 l’enfance

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Tableau noir écrit à la craie blanche

L’école… c’était encore les flacons en faïence blanche d’encre violette et le porte-plume si fragile qu’il fallait le manier avec dextérité pour éviter de faire de gros pâtés d’encre sur le cahier. Maladresse qui aurait suscité la colère de l’instituteur. Nous portions une blouse grise afin de protéger nos vêtements d’éventuelles taches d’encre. Enfin, il y avait la craie blanche lorsque nous allions au tableau, qui laissait toujours un peu de résidus sur les doigts.

L’écriture en ce temps-là était autocentrée sur ces deux matières, l’encre et la craie. Parfois même des petits malins s’amusaient à glisser des bouts de craies dans les encriers, en guise de farces…

Des écrits à la craie sur tableau, il ne reste évidemment rien, l’éponge fatale effaçait à intervalles réguliers les données. Il reste encore dans certains greniers les cahiers comme vestiges de ces temps passés. Difficiles à inventorier et à compiler.

1962 – 1972 – les premières machines

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Vieille Remington

Le lycée (les collèges n’existaient pas encore)…

Pour mes 12 ans, ma tante (qui était secrétaire) m’a offert une vieille machine à écrire de type « Remington », elle avait finement remarqué mon grand intérêt pour l’écriture et mes résultats plus qu’encourageants en français. C’était une merveille pour moi de pouvoir écrire de manière imprimée, de tenir entre mes mains les résultats de mon imagination débordante sur une feuille de papier, un peu comme la page d’un livre.

Pourtant l’invention de la machine à écrire remonte à la fin du XIXᵉ siècle. C’est en 1868 qu’un journaliste du nom de Christopher Latham Sholes a inventé la « machine à écrire Sholés and gidden » qui prit vite le nom de « Remington N° 1 ».

 

1972 – 1982 – l’avènement du traitement de texte

Mes années universitaires, la fac de lettres, aboutissaient à un mémoire dactylographié sur l’étude du temps dans l’œuvre de Julien Gracq. Puis, à Sciences Po Paris, je fis l’apprentissage laborieux de l’informatique avec des programmes que nous devions concevoir puis écrire sur des cartes perforées… Sur cette décennie, le progrès a commencé à s’emballer, propulsant le traitement de l’écriture à un niveau très évolué.

traitement de texte

machine à écrire à boule

Après Sciences Po, j’entrai au service d’Edgard Pisani et de Michel Rocard. Pour mon travail d’assistant, Edgard Pisani me fit don d’une machine à écrire électrique à boule. On pouvait, en changeant de boule, changer de polices de caractère, je crois bien qu’il s’agissait d’une Olivetti. Dès lors, tout mon travail d’écriture passait par cette machine, hormis de petits poèmes que je persistais à écrire à la main sur de petits carnets.

En 1981, j’entrai au cabinet du Ministre du Temps Libre en charge du tourisme, de la jeunesse et des sports, comme conseiller technique.

J’étais frappé par la manière de travailler l’écrit. Nous en étions encore aux machines à écrire, certes électriques, mais tout de même. Les secrétaires passaient leur temps à utiliser du corrector (blanc) pour corriger les fautes relevées ou les modifications imposées. Ces dernières conduisaient inexorablement à reprendre la totalité de la frappe du document.

Que de temps perdu… et le résultat était bien souvent pitoyable. Les premières « machines dédiées au traitement de texte » venaient d’apparaitre. J’en parlai au Directeur de cabinet, que je convainquis facilement de faire l’acquisition de ces nouvelles machines. Ce fut beaucoup plus difficile à faire passer auprès des secrétariats, rétifs à tout changement. D’autant plus que celui-ci passait nécessairement par une formation.

Pour autant… quel progrès. Un écran sur lequel il était possible à tout moment de faire une correction, un rajout, etc. jusqu’à l’édition définitive sur une imprimante. Il offrait en plus la possibilité de sauvegarder électroniquement ces documents et de les classer, de manière à pouvoir y revenir à tout moment.

Je ne me suis pas fait que des amis, mais le changement s’est imposé avec force et rapidité. L’exercice de la dactylographie était nettement moins laborieux et libérait du temps pour des tâches plus intéressantes.

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Evelyne Berezin

Pour faire un peu d’histoire, c’est en 1968 qu’Evelyne Berezin, une informaticienne américaine se mit à réfléchir au problème. Pour l’heure, le travail d’écriture passait par ce que l’on appelait à l’époque une machine à boule créée par IBM Selectric et vendue dès 1961 aux États-Unis. L’idée d’un traitement de texte se mit en place dans son esprit afin de rendre moins fastidieux le travail des secrétaires. Ainsi créa-t-elle son entreprise Redactron Corpopration en 1969.

Le Data Secrétary voit le jour et connaît un succès foudroyant. Son entreprise se développe jusqu’à comprendre plus de 500 employés.

La taille de l’appareil est impressionnante et ressemble à un réfrigérateur de 1 m de haut, il est équipé de 13 puces semi-conductrices.

Elle-même, ne s’est pas rendu compte de l’impact qu’aurait son invention sur le travail de l’écrit et l’emploi… L’embauche des secrétaires s’est ralentie au fur et à mesure que les journalistes, les auteurs, les écrivains ont eu accès à ce traitement de texte.

Puis, dans les années 1970, les premiers logiciels de traitement de texte ont commencé d’évoluer, offrant plus de possibilités. Mais, c’étaient toujours des terminaux informatiques connectés à d’imposants ordinateurs centraux, toujours limités dans leurs fonctionnalités.

1982 -1992 – l’envol

1983, j’entrai à l’agence de l’informatique (ADI), ce fut le début de l’essor des ordinateurs personnels. À ce moment-là, le traitement de texte se démocratise avec WordStar et WordPerfect, qui offraient des interfaces nettement plus conviviales, et donc accessibles au plus grand nombre. 1983, c’est justement l’avènement de Microsoft Word.

Je découvre et j’apprends en même temps avec une interface graphique compréhensible et j’éprouve mes premiers émois avec le copier-coller.

Après la dissolution de l’Agence de l’informatique (ADI), je rentre à l’Agence d’ingénierie culturelle ABCD. La production passe essentiellement par des rapports écrits. Je recommence à me faire des ennemis en imposant aux chargés de projets d’utiliser eux-mêmes directement un traitement de texte. J’en avais assez de voir les secrétaires s’escrimer à tenter de déchiffrer des centaines de pages manuscrites raturées.

La règle imposée, de force bien sûr, était de remettre aux secrétaires un texte tapé au « kilomètre », à charge pour elles d’en faire la mise en page. Ces dernières étaient évidemment ravies, car leur travail devenait plus intéressant et surtout créatif. Finalement, cette révolution dactylographique fit son chemin tant bien que mal. D’ailleurs, certains des chargés de projets, prenant gout à cette découverte, ont compris l’intérêt de ces logiciels et se mirent à faire la mise en page et les illustrations eux-mêmes. Chemin faisant, les secrétaires se concentraient sur des taches de plus en plus intéressantes et la productivité de l’Agence fit un bond gigantesque.

Des différents portants sur l’organisation d’ABCD m’ont amené à la quitter pour voler de mes propres ailes et créer avec mon meilleur ami ma propre agence DE.ME.TER.

Précédemment, je travaillais sous PC. J’avais toujours dit que lorsque je créerai ma propre entreprise, je commencerai par poser un ordinateur sur un bureau avec une chaise. C’est ce que nous fîmes, mais à partir de Macintosh. Pourquoi passer à Apple ? La marque avait le vent en poupe, et les Macs semblaient mieux adaptés et équipés en logiciels pour le travail d’agence…

J’entrais définitivement de plain-pied dans le monde de l’informatique et à l’usage du traitement de texte et du tableur (Excel), que j’avais expérimenté à l’agence de l’informatique, j’ajoutai la gestion de base de donnée avec Filemakerpro.

Internet n’était pas encore né.

Puis autre étape de ma carrière, après l’expérience DE.ME.TER. qui prit fin cruellement avec des problèmes de santé qui m’empêchaient de continuer cette belle aventure.

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pièces jaunes

Pendant cette période de creux, j’eus la chance d’être appelé par un ami, Secrétaire Général de la Fondation des Hôpitaux de Paris (opérations Pièces jaunes) pour mettre sur pied une informatisation complète des dossiers « opérations pièces jaunes ». La récolte des fonds servait à financer des projets de vies pour les enfants et adolescents hospitalisés. Lorsque le comité d’examen se réunissait pour étudier les demandes, c’étaient d’épais dossiers qui étaient à manipuler et l’accès à la mémoire de ce qui avait déjà été fait était lourd.

Avec FilemakerPro j’ai saisi la totalité des dossiers existants et mis au point une application qui permettait de naviguer intelligemment parmi les données. Ainsi, en comité, il était possible d’accéder en direct à l’historique avec le demandeur. Et, à tout moment, de faire le point sur l’argent distribué.

J’intégrai le Parc et la grande Halle de la Villette en 1994-1998. Avec une mission, reconstruire toute la mémoire patrimoniale de ce lieu, pour mieux aider à en définir les nouvelles missions.

Gros travail de brassage de documents et nettoyages des caves… Mais, surtout, mise en place d’une base de données, après avoir inventorié les dossiers, les affiches, les catalogues, pour pouvoir répondre à la demande et accéder rapidement à tout type de documents.

Au-delà de l’écrit proprement dit, depuis plusieurs années, j’étais entré dans la gestion et la consultation de l’écrit.

2002-2012 Internet

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naissance d’Internet

Je rejoignis l’ADAMI en 1999. Et, je pris à pleines mains l’arrivée et la gestion d’internet qui commençait d’émerger… de l’informatique encore balbutiante à l’ADAMI, avant de passer la main sur ce sujet à plus expérimenté que moi lorsque les choses devinrent plus compliquées.

Mais, au quotidien, je passais de plus en plus de temps devant mon ordinateur, pour organiser mon travail, écrire, beaucoup écrire et échanger avec mes nombreux correspondants.

En créant en novembre 2002 les premières « rencontres européennes des artistes à Cabourg » je rentrai de plain-pied dans un monde d’échange qui dépassait largement le seul cadre du traitement de texte.

2012 – 2022 – explorer le numérique

En 2015, je pris une retraite un peu forcée. Mais, c’est au sein d’ADELI que je continuais mon chemin d’explorateur des espaces numériques. Je découvris ainsi les joies des documents partagés dans le cloud dans nos échanges de travail.

De nombreuses conférences organisées durant l’année m’ont permis d’approfondir ces sujets qui me tenaient à cœur.

Ainsi ai-je proposé que nous organisions un concours de nouvelles à l’occasion des 40 ans d’ADELI avec pour sujet le « numérique ». Idée retenue et nous en sommes aujourd’hui à la 6ᵉ édition de ce concours.

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Resp. Prix de thèse
Co-Resp. Prix de la nouvelle
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