Compte rendu de la visioconférence du 14 avril 2022
Présentation
Qu’est-ce que le sens véritable d’une entreprise ? En quoi la mise au jour de ce sens peut-elle contribuer au succès de l’organisation ? Quels sont les enjeux de l’hybridation, selon telle ou telle entreprise ? Et en quoi, à partir d’une prise de conscience et élaboration particulière et progressive en Comité Directeur, l’hybride peut-il contribuer à une réconciliation des intérêts collectifs et individuels, ceci permettant de pérenniser l’organisation ? Tels sont les thèmes principaux de cette conférence-débat, animée par Philippe Blot-Lefèvre pour les publics d’ADELI. Sa synthèse présentée ici est tirée de textes écrits par le conférencier lui-même.
L’intervenant
Depuis des années, la passion de Philippe Blot-Lefèvre est d’aider les organisations « à mettre le sens en actions ». Dans les entreprises, avec les dirigeants et leurs équipes, il anime, des ateliers de travail et de réflexion pour, selon ses objectifs, mettre le sens « au service de la réussite ». Actuellement, il intervient en particulier sur les enjeux de ce qu’il nomme l’hybridation, ceci afin d’aider les entreprises à évoluer vers une organisation plus facilitatrice et horizontale.
L’hybride, d’Oberkampf à aujourd’hui…
Quoi, pourquoi ?
L’hybride doit être parfaitement compris (étymologiquement : pris avec) par tous parce qu’il ne s’applique pas de la même manière aux différents métiers. Il sauvera même ceux dont la raison d’être aura été éclaircie par chacun. D’Oberkampf, fondant en 1770 le premier bâtiment industriel de tous les temps dans la Vallée de Jouy-en-Josas, au fondateur de Patagonia, Yvon Chouinard dont la fortune personnelle atteint 1,8 milliards de dollars, l’hybride est présent à 100%. L’observateur sain d’esprit s’étonnera au passage de l’incompatibilité de leurs professions industrielles avec le télétravail. De quel hasard est-ce l’effet : Oberkampf et Chouinard sont tous deux alpins, l’un en Suisse et l’autre en Savoie. Pour le reste, seule la temporalité les sépare pour deux résultats comparables.
Nature centrale, beauté essentielle…
Oberkampf vivait en un temps où la nature était centrale, où la beauté était essentielle à la créativité, où l’inspiration des « Temps Modernes » par Charlie Chaplin n’avait pas encore dévié la nature en séparant la tâche du métier (La tâche : coudre à la machine / Le métier : confectionner des vêtements de sport); au lieu de les distinguer l’un de l’autre pour les rendre efficaces matériellement et socialement (Rien ne concourt mieux à la qualité d’un travail et au bon moral d’un individu que sa conscience de participer à l’œuvre aboutie et utilisée).
Retour aux sources ?
Avec Patagonia, Chouinard observe la nature et l’imite dans son organisation ; une sorte de retour aux sources dont la démonstration de l’efficacité sur les plans matériel et social déjà cités, est parfaite et généreuse. De fait, pour la Toile de Jouy comme pour les anoraks Patagonia, on teint le tissu dans le respect de la rivière, on travaille à l’appui de services sociaux intégrés pour libérer les agendas sans nuire à la production, on co-élabore, on s’implique dans des opérations aujourd’hui dites humanitaires sans empiéter sur l’intimité familiale ; le tout dans un consentement personnel épuré d’ego et de compromissions (Lire le prochain ouvrage de l’auteur sur le danger de distinguer les notions de compromis et de compromission).
La vie est hybride
Pour l’un comme pour l’autre, la vie est hybride, sans opposition des phases professionnelles et personnelles qui sont simplement complémentaires l’une de l’autre dans une seule vie. À chacun de comprendre cependant que l’une et l’autre ne requièrent pas la même posture individuelle. Que ne l’enseigne-t-on aux enfants dès le primaire !
L’hybridation s’inspire de l’intelligence innée de la nature
Du latin hybrida, l’hybride se dit de plantes ou d’animaux qui résultent du croisement de deux lignées parentales génétiquement différentes. C’est donc un phénomène de (pro)création, inhérent au vivant ; un moyen intuitif de créer ensemble, d’entreprendre dans un mouvement de symbiose.
L’hybride en management humain
Ces dernières décennies, l’usage managérial était de recruter les collaborateurs pour leurs compétences, appréciées à l’aune d’un diplôme et de la reconnaissance du clan correspondant. Preuve est faite que la compétence s’acquiert par les études et de l’expérience. Une approche disruptive et inspirée de la valeur de l’hybride, consiste à orienter le recrutement sur l’état d’esprit de l’individu, sa valeur innée et fondatrice du comportement attendu pour co-élaborer, ce qu’aucun diplôme ne peut garantir et dont la carence est dommageable pour tous, à commencer par le groupe.
La nature est harmonieuse
La nature « est ». La nature ne connait ni l’arrogance ni la force, fût-elle virus. Elle s’accorde à son essence qui est d’être. Elle ne cherche pas la performance, elle dure. Elle ne juge pas ni n’hésite, elle néglige l’inutile ponctuel au profit de la cohérence. Elle crée le chaos pour y distinguer ce qui le compose et lui permettre de se repositionner. Elle donne ses chances sans modifier sa loi intrinsèque : la survie. Cette Loi est constante et solide pour que se développe la confiance salvatrice. Dame Nature est donc belle. La beauté, c’est ce qui ne déçoit jamais ni personne. Elle est l’assurance d’une harmonie parfaite entre tous les règnes : le minéral, le végétal, l’animal, l’humain, l’énergie, l’esprit et le temps. C’est pour cette garantie d’harmonie que « La beauté sauvera le monde » A. Dostoïevski.
L’alternative stratégique entrepreneuriale
Le CODIR se trouve devant une alternative stratégique disruptive et innovante : devenir les co-entrepreneurs d’une intention à réaliser ensemble. Choisiront-ils pour ce faire, des talents cristallisés par les diplômes d’antan, ou bien des individus intentionnés qu’animent le cœur et la qualité de l’œuvre ? Il faut trancher entre ceux qui le comprennent et ceux qui n’en sont pas capables. Je propose, à l’appui d’une DRH ad hoc, de distinguer les individus dont la maturité permet de travailler immédiatement en mode hybride. Les autres seront formés, reclassés, coachés jusqu’à poser la question du choix. Ne sont jamais mauvaises têtes que ceux qui refusent catégoriquement de participer à l’intention partagée, à l’intention de travailler ensemble dans le respect des intérêts individuels et des intérêts partagés.
Clarifier
Mais avant, le mot « magique » c’est : CLARIFIER. Clarifier le vocabulaire utile, le rôle de chacun, la valeur nécessaire, l’intention finale, les moyens individuels et collectifs nécessaires et suffisants.

Tout part du sens et y revient…
Transparence, confiance et conscience
Quelle qu’en soit la nature, de temps ou d’argent, les bénéfices sont partagés entre tous, dans la transparence et l’équité. Un dérapage sur la confiance anéantit tout, sans rémission. La sanction vient alors, naturellement, avec un nouveau chaos et, forcément, un nouvel ailleurs ; avec d’autres ! Du chaos à la beauté de l’hybride, c’est la conscience de soi qui permet à chacun de prendre sa place. Ma génération a développé la sienne à partir de l’Univers dont sont faits les hommes. J’ai expliqué le Multivers à mes enfants qui, à leur tour, m’entrainent sur le Métavers et sa faculté de modifier ma propre conscience. Le multivers établit que notre univers figure parmi des millions d’autres, et de natures si différentes qu’ils sont intriqués dans le nôtre ; dans notre quotidien. C’est en rassemblant autour de la conscience de soi que l’entreprise s’accorde la chance de durer. Aux CODIRs de ne pas se laisser surprendre.
L’hybride : opportunité de « transformation naturelle »
Aussi de conclure, à la manière de mon confrère Michael Aguilar : « le courage et le regret sont aussi douloureux l’un que l’autre ; mieux vaut donc vivre le premier que de subir le second ».
Entreprise hybride : Trois voies de développement
Sang « mêlé », sang neuf…
Chez Harry Potter, l’hybride est un « Sang Mêlé ». Il y a mieux comme compliment mais dans les vieilles familles, on regrette rarement un peu de sang neuf pour revigorer la descendance et redorer le blason.
Un chaos bienveillant
Le chaos mondial pourrait donner des raisons de se plaindre. Mais considérant l’hybride comme une évolution naturelle du chaos, je propose d’accueillir la situation avec bienveillance. Elle est l’occasion du rebond espéré par chacun. Rappelons que la vertu première du chaos, c’est de distinguer et par conséquent de respecter chacun de ses composants. L’hybride, nous dit l’Académie française, « se dit du croisement de deux lignées parentales différentes ». L’hybride est donc le résultat d’entités distinctes dont la complémentarité apparaît inhabituelle et vraisemblablement intéressante. L’hybride innove donc par essence et par destination.
- Naturel ou conventionnel, l’hybride est.
- L’hybride réalise.
- L’hybride porte.
Entreprendre
L’entreprise – comprenez ici le fait d’entre-prendre entre nous et avec le vivant – a trois manières de se développer dans l’hybridation.
L’hybridation structurelle
L’allemand Robert Bosch® a ouvert la porte de l’hybridation structurelle en mettant 92% des actions de son entreprise entre les mains d’une Fondation d’Utilité Publique destinée à proposer « des technologies pour la vie » à l’humanité. C’est une hybridation originale et plutôt vertueuse du capitalisme traditionnel et du monde associatif.
L’hybridation sociale
Entre Oberkampf (*) au XVIIIe siècle et les 18 milliards de Dollars de fortune personnelle du fondateur de Patagonia®, l’hybridation est sociale. Chez Patagonia®(*), la vie privée et la vie professionnelles sont intriquées comme le sont les énergies au sein du monde quantique. Ici, chacun de l’individu et de la collectivité, s’épanouit entre l’économique et le social, entre le privé et le professionnel.
L’hybridation industrielle
La troisième hybridation est industrielle. Nous la trouvons bien entendu dans l’uberisation ; mais pas seulement. Dans le monde entier, Sleever® étiquette les bouteilles avec des matières combustibles non polluantes. L’intention de stopper le développement et la dérive des continents de plastics y trouve sa place. Hermès® a ouvert une filiale de surcyclage (upcycling) pour investir ses rebuts de fabrication dans une ligne de produits dont le luxe décalé fait fureur auprès de la clientèle.

Bénéfices de l’hybride
Évoluer dans un monde incertain (VUCA)
Il faut de l’intelligence pour évoluer au sein du monde VUCA (*) qui nous presse. L’intelligence d’entreprendre consiste à y faire des liens improbables et cohérents ; à inventer de nouvelles hybridations à la croisée du travail, des structures et de la production de mieux-vivre. (VUCA : Vulnérable – Uncertain (incertain) – Complexe – Ambigu). Mes conférences livrent des recettes utiles au CODIR. Nous y travaillons ensemble le Sens (la raison d’être), les raisons d’une hybridation vouée au succès des individus et des structures pour que les bons mariages (appariements) naissent à moindre coût du confin de leurs activités et des équipes.
Pour en savoir plus…
- Site de Philippe Blot-Lefèvre
- Page LinkedIn de Philippe Blot-Lefèvre
- Conférence ADELI (2011) “Document & Information Manager”
- Conférence ADELI (2006) “Le dossier numérique partagé”
- Table ronde ADELI (2005) “Loi informatique et libertés”