Les rencontres parlementaires du numérique
Historique
Notre association ADELI est régulièrement invitée à assister aux rencontres du numérique qui réunissent, pendant une matinée, des parlementaires et des grands acteurs professionnels.
Dans la poursuite des comptes rendus des précédentes :
• 7es du 5 avril 2016 (Lettre n° 104) – La place de la France dans la transformation numérique ;
• 8es du 14 février 2017 (Lettre n° 107) – Le numérique pour booster la France ;
• 9es du 3 avril 2018 (Lettre n° 112) – Le numérique, ça bouge ;
• 10es du 12 octobre 2019 (Lettre n°115) – Le numérique au service de la France ;
voici une mise en forme de notes prises lors des 11es rencontres du numérique, à la Maison de la Chimie, le mercredi 20 octobre 2021.
L’objectif « Vers une transformation numérique réussie pour la France » est décliné en trois tables rondes
- Souveraineté numérique : du discours aux actes ;
- Quels enjeux industriels pour la 5G ? ;
- L’État accélère la transition numérique ;
suivies d’un remue-méninges : Quelles priorités numériques pour le prochain quinquennat ?
Programme complet du 20 octobre 2021
À la poursuite de la souveraineté numérique
Vivre dans un contexte mondialisé
La souveraineté numérique de l’État est un exercice d’équilibre délicat qui exige une prise de décision indépendante… tout en maintenant une concertation interconnectée… dans le cadre de l’interdépendance mondialisée.
La pratique numérique de l’Union européenne – en retard sur celles des États-Unis et de la Chine – s’est créée dans un climat de dépendance vis-vis des grands acteurs mondialisés.
On regrette le départ du Royaume-Uni qui semblait plus avancé que nos autres partenaires de circonstance.
Renforcer la cohésion nationale
Il convient de renforcer la coopération gouvernementale entre les différents ministères, tant dans les financements que dans leurs choix techniques. Pour éviter une dépendance contraignante, il faut toujours se réserver l’opportunité de migrer d’une solution technique à une autre.
Se protéger
La souveraineté numérique présuppose une protection contrôlée des infrastructures et des données. Or, le CLOUD (Clarifying Lawful Overseas Use of Data) Act autorise, dans des circonstances litigieuses, l’accès de l’Administration états-unienne, à nos données sensibles. Des compromis s’imposent pour éviter de trop grosses entorses à notre souveraineté, dans le domaine de nos données publiques et privées.
Encourager les développements
La France qui dispose d’un vivier de jeunes pousses (start-up) talentueuses, devrait catalyser une interdépendance entre écosystèmes universitaires, militaires, industriels, ce que font déjà les États-Unis, Israël, la Russie et la Chine.
Sur le modèle états-unien, un « Smart Business Act » simplifiera les procédures d’accès des petites et moyennes entreprises à la commande des marchés publics, par exemple par la création d’une plateforme des offres publiques.
L’Airbus A300 est né, non d’un volonté de l’Union européenne, mais d’une coopération entre États européens. Nous pouvons transposer cette forme de collaboration entre États à des domaines d’innovation, tels que l’IA.
Le rôle de l’État consiste à créer des conditions plutôt qu’à saupoudrer des financements ; l’autonomie ne se décrète pas : elle s’organise ! car « il ne faut pas jeter l’argent par les fenêtres… pour irriguer un désert ».
Former et libérer les compétences
Le numérique créera 200 000 emplois dans les 5 prochaines années.
Le diplôme certifiant est trop long à obtenir.
Les formalités administratives sont lourdes. Il est indispensable de lever certains freins : on cite l’exemple de l’Estonie, où il suffirait de 18 minutes pour créer une entreprise !
Les suggestions de la salle
Les interventions du public soulignent de vives inquiétudes :
- dépendance aux importations de microprocesseurs ;
- organisation des filières de recherche ;
- mythe de la souveraineté européenne.
Les enjeux industriels de la 5G
Se préparer à exploiter la 5G
Le plan de déploiement des infrastructures nécessaires à la 5G est respecté, en dépit de la pandémie.
Les chantiers pilotes ont été lancés depuis 18 mois. On peut déjà « accrocher » la 5G.
En parallèle, on développe une culture des nouveaux usages offerts par la 5G qui ne sera qu’un palier de passage vers la future 6G.
La 5G apporte des gains substantiels en quantité et en qualité ; la 5G permet d’accroître le nombre d’objets connectés et d’obtenir des réponses plus rapides, grâce à des transferts massifs de données.
Cibler les secteurs d’activité concernés
La 5G permet des usages différenciés en faisant du spécifique (sur mesure) :
- Transports : aérien (régulation), ferroviaire (véhicules autonomes), maritime (manipulation de conteneurs par grues télécommandées) ;
- Industrie : usines intelligentes, notamment dans le secteur automobile ;
- Télémédecine : actes de soin à distance ;
- Surveillance et maintenance des espaces publics : forêts, réseaux d’eaux.
Se comparer pour progresser
La comparaison de notre état d’avancement avec celui de la Corée du Sud (acteur majeur dans ce domaine) mesure l’intensité des efforts quantitatifs à accomplir pour se hisser au même niveau.
Transformation numérique de l’État – On accélère
Le plan numérique pour tous, initialisé en 2019 se déroulera sur 10 ans.
Ce plan implique la construction d’infrastructures techniques, la formation d’acteurs professionnels et le développement de la culture des usages.
Nous pouvons faire un point d’étape à l’issue des deux premières années.
L’« Empowerment » peut se traduire par « autonomisation » : octroi de davantage de pouvoirs à des individus ou à des groupes pour agir sur les conditions sociales, économiques, politiques ou écologiques, auxquelles ils sont confrontés.
Identifier
L’objectif est de faciliter les démarches des administrés via France Connect (DINUM Direction Interministérielle du NUMérique) pour un accès simple aux services publics en ligne.
Renforcer le rôle accru de l’agent humain
Simultanément à l’amélioration quantitative et qualitative de leurs services numériques, certains usagers s’inquiètent d’une déshumanisation des relations avec leurs Administrations ; ils souhaiteraient recourir à une interface humanisée, par un canal proche de l’usager :
- pour résoudre leurs problèmes spécifiques ;
- pour compenser leur illectronisme partiel ou total.
Les différents échelons des Administrations devront proposer un modèle hybride associant des outils numériques et des interactions humaines.
On s’engage vers une communication multicanale – par une approche horizontale dans le territoire – revalorisant l’usage du téléphone et du guichet.
Former les agents à l’appropriation des outils numériques
Les formations en cours valorisent le rôle des agents qui constituent un pont entre l’État, les collectivités, les entreprises et les usagers.
Améliorer l’efficience des projets
Initialiser un POC (Proof Of Concept) préalable au lancement de chaque projet pour valider sa pertinence et la faisabilité de la stratégie sous-jacente.
Favoriser les déclinaisons locales pour éviter le syndrome de rejet du NIH (Not Invented Here).
S’appuyer sur les infrastructures existantes.
Protéger les données sensibles – respecter les agréments de sécurité.
Intégrer le numérique dans le système éducatif en impliquant les parents (cf PRONOTE).
Simplifier
La complexité est un obstacle anxiogène ; pour inclure les citoyens dans la transformation numérique, il convient de simplifier les procédures dématérialisées, en particulier de fluidiser l’ergonomie digitale.
Sécuriser
Veiller à la sécurité du cloud souverain.
Sourire
Je laisse au lecteur le soin d’interpréter la boutade suivante à propos du millefeuille administratif « La crème coule entre ses différentes couches ».
Boîte à idées : Priorités numériques pour le prochain quinquennat ?
L’année 2022 sera en France une année électorale.
Cette élection ouvrira un nouveau cycle gouvernemental de 5 ans.
Voici en vrac quelques idées – brutes de décoffrage – lancées par tel ou tel intervenant.
Nous les avons arbitrairement classées par sujets de préoccupation sous un intertitre.
Politique
Développer une troisième voie (indépendamment des États-Unis et de la Chine).
Utiliser la vitrine des Jeux Olympiques de 2024.
Créer un Comité stratégique du numérique en France.
Rapprocher les activités numériques des citoyens.
Respecter l’environnement : l’empreinte environnementale du numérique (essentiellement celle des centres de données) représente actuellement 10 % (qui pourrait passer à 25 % en 2025) de la consommation électrique et alimente 4 % des émissions de gaz carbonique.
Favoriser la diffusion des logiciels libres et les alternatives souveraines.
Infrastructures
Poursuivre l’équipement des domiciles (40 millions) en fibre optique.
Généraliser l’accès au haut débit, en traitant les zones blanches.
Garantir l’approvisionnement en composants électroniques.
Renforcer la sécurité et la confidentialité des hébergeurs.
Gérer un Cloud de confiance pour les grands acteurs.
Citoyen
Remplacer la peur des nouvelles technologies par un accueil positif du progrès social.
Remettre le citoyen et la société au centre du dispositif.
Simplifier le parcours des citoyens : guider l’usager à la recherche de son interlocuteur, éclairer le citoyen par l’emploi de moteurs de recherche.
Former les usagers par l’ouverture de Maisons de Qualité.
Économie
Supporter les jeunes pousses (start-up)… de préférence aux établissements financiers !
Faciliter l’accès des entreprises françaises aux investissements publics.
Équilibrer les contraintes du droit et les aspirations à la liberté.
Gérer la transformation des métiers et des compétences.
« Éco-concevoir » au moyen de partenariats entre autorités publiques et acteurs privés.
Société
Réduire l’illectronisme.
Limiter les dégâts cognitifs chez les plus jeunes.
Utiliser des nanosatellites pour la sécurisation des quartiers sensibles.
Mieux intégrer les handicapés.
Combattre les utilisations perverses, en particulier la pédocriminalité.
Générique de fin
Mélanie Benard-Crozat (Rédactrice de Sécurité et Défense Magazine) a animé la rencontre en canalisant les prises de parole des intervenants suivants :
Parlementaires
- Catherine Morin-Desailly – sénatrice de Seine-Maritime ;
- Éric Bothorel – député des Côtes d’Armor ;
- Virgine Duby-Muller – députée de Haute-Savoie ;
- Jean-Michel Mis – député de la Loire ;
- Pierre-Alain Raphan – député de l’Essonne.
Représentants d’organismes publics
Représentants d’organismes privés
Perception personnelle
La rencontre fait un point d’étape sur l’équipement des infrastructures et sur la convivialité des systèmes publics.
Après la définition de processus (finalités auxquelles on ne peut que souscrire) il faudra choisir et mettre en oeuvre les bonnes procédures (moyens) destinées à les satisfaire.
De quoi occuper notre prochaine législature.
PS : La presse nous annonce, le 8 décembre 2021, le futur départ (fixé en janvier 2022) de Nadi Bou Hanna de la DINUM (Direction interministérielle du numérique).