Concours 2022 les prix de la nouvelle d’anticipation et de l’illustration ont été attribués

Concours de la nouvelle

ADELI a reconduit cette année, du 15 mai 2022 au 15 septembre 2022, un concours de nouvelles d’anticipation (en langue française) sur le thème de l’intelligence artificielle « À l’aube du XXIIe siècle ».

concours 2022Après un clin d’œil à Paul Verlaine et à Henry de Montherlant,  nous proposions cette année une référence à l’écrivain-aviateur Antoine de Saint Exupéry.

Les participants ont dû relever impérativement le défi d’insérer dans le texte la phrase :

« S’il vous plait… dessine-moi une “IA” (Intelligence artificielle) ».

Cette année 2022, nous avons reçu 59 nouvelles qui explorent, chacune à leur manière et avec originalité, le monde de demain sous l’emprise de robots omniprésents. Ceux-ci sont tantôt drôles, tantôt terrifiants, tantôt encourageants. Il y en a pour tous les goûts et toutes les humeurs. Nous observons que plusieurs auteurs concourent et tentent leur chance chaque année avec persévérance, nous les en remercions. Notre concours a aussi retenu l’attention de nombreux auteurs vivant à l’étranger : la Suisse, la Belgique, le Canada, la République démocratique du Congo, Taïwan…

L’année dernière, nous avions publié un recueil (Éditeurs Books on Demand) qui regroupait, outre le texte du lauréat, Hélène Goffart une sélection des quatorze meilleures nouvelles. Cette sélection donnait un intéressant éclairage prospectif à partir de nos connaissances actuelles

Cette année, nous créons un concours d’illustrations pour la couverture du recueil des nouvelles qui seront publiées à l’occasion de notre assemblée générale. L’illustration pouvait être aussi bien un montage photo qu’un dessin en noir et blanc ou en couleurs. Ce travail devait s’inspirer de l’Intelligence Artificielle et du thème de cette année « S’il vous plaît… dessine-moi l’IA » et de l’allusion au Petit Prince de Saint-Exupéry.

Le jury, réuni à Paris le 15 novembre 2022, après délibération, a attribué le prix à :

François Vanglabeke  pour la nouvelle «Ars gratia artis». Il recevra son prix lors de l’Assemblée générale d’ADELI qui se tiendra à Paris en février 2023. La qualité de son écriture et l’originalité de son récit ont fait l’unanimité au sein du jury.

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François Vanglabeke

François Vanglabeke se présente

François Vanglabeke est né en 1977 et travaille dans le domaine de l’environnement près de Dijon. Fasciné très tôt par tout ce qui a trait aux mondes imaginaires et plus particulièrement à la science-fiction, il trouve dans la bibliothèque de son père les  classiques qui l’inspireront. Asimov, Bradbury, Gibson, Howard, Dick... Les grands maîtres du genre lui donneront le goût d’écrire.

Dans “Ars gratia artis”, Salvator, un peintre abstrait, assiste à l’émergence des IA dans le domaine de l’art. Un jour, il est invité à un happening dont la star est un algorithme capable de créer des œuvres originales. Il décide d’y assister…

 

Ars gratia artis

François Vanglabeke

Salvator lut le carton d’invitation pour la quinzième fois, butant à nouveau sur les mots vernissage et artiste. Il avait décliné toutes les invitations précédentes, comptant sur son agent et ses amis pour lui faire des compte-rendus détaillés de ce qu’il considérait alors comme des mascarades. Des IA capables de produire de l’art? L’idée l’avait beaucoup amusé. Puis intrigué. Puis, avouons-le, inquiété. Inquiété au point qu’il se documente sur le sujet, qu’il se fasse présenter à des chercheurs, qu’il discute avec eux. La célébrité avait de nombreux inconvénients, mais elle ouvrait aussi des portes, alors autant en profiter. Ce qu’il avait entendu confirmait ce qu’il craignait, puis les premières œuvres artificielles dignes de ce nom avaient vu le jour. On avait alors inventé tout un vocabulaire pour ça. Réalisme disjonctif, art disruptif, création synthétique… Les mots ne manquaient pas, l’argent non plus : les GAFA étaient là où on ne les attendait pas, et les moyens colossaux dont ils disposaient avaient accouchés de créatures immatérielles, puisant leur référentiel esthétique dans le web, se nourrissant des expériences, des travers et du savoir humain ; produisant des objets curieux, étonnants, dérangeants. “Émogène”, selon le néologisme d’un célèbre critique d’art : qui suscite l’émotion. Car c’est bien de ça dont il s’agissait : si la fonction de l’art était de susciter l’émotion, quelle était finalement celle de l’artiste, s’il pouvait être remplacé par une machine? La situation était inédite, même si les critiques, au début, avaient été les mêmes que celles exprimées lors de l’invention de la photographie. Dans ce cas, il y avait toujours un artiste derrière la machine. Mais les réseaux antagonistes génératifs, les premiers systèmes capables de produire de l’art, avaient cédé leur place aux modèles de diffusion, qui, couplés aux puissants algorithmes de langage, étaient devenus quasiment autonomes.

Salvator avait écouté, quelques années avant, un spécialiste parler du rapport entre l’homme, les machines et la guerre, et notamment la participation des IA à l’action guerrière. Il était arrivé à la conclusion glaçante que la guerre était une activité exclusivement humaine et que le jour où des robots s’affronteraient entre eux, l’intérêt pour les combats fondrait comme neige au soleil. « Comme pour l’art » avait-il alors songé. Il s’était trompé. Les IA avaient maintenant investi un champ qui semblait intouchable quelques temps avant, et qui en plus était l’apanage de Salvator : l’art abstrait. Dans ce cas, le référentiel devenait plus difficile à manier et les algorithmes de reconnaissance d’image, presque inutiles. Salvator soupçonnait la machine de faire des pastiches de ce qui existait déjà.

Quelques jours avant, son agent l’avait prévenu qu’un happening aurait lieu pendant le vernissage. « L’artiste sera présent, lui avait-elle dit en souriant. Quelques personnalités pourront lui demander de peindre le sujet de leur choix, en direct. » Salvator n’avait pas réagi, attendant la suite. « Tu veux en être ? » Il lui avait demandé un délai de réflexion. Ce jour-là, il donna congé à ses assistants, ferma l’atelier et alla marcher dans le parc. Il regardait autour de lui, la composition harmonieuse des allées, des plans d’eau, des arbres. « Vers quelle représentation de la réalité allons-nous? Et vers quelle abstraction de cette même réalité ? » songea-t-il. Il prit brutalement conscience qu’il faisait peut-être partie de la dernière génération d’artistes qui n’avaient eu, pour concurrents, que des membres de leur propre espèce. Mais l’IA était en train de changer cela ; en réalité, elle l’avait déjà fait. Sa décision était prise.

Le vernissage avait lieu dans la New Art Factory. Chaque invité n’avait droit qu’à un “plus un”, il était donc venu avec Ethan. Clémence, son agent, était également invitée. Ils avaient déambulé tous les trois, saluant et discutant parfois avec des connaissances. Salvator avait même pu parler plusieurs minutes avec Paul, un artiste que normalement il ne supportait pas, preuve que cette révolution pouvait rapprocher les opposés. Au fur et à mesure qu’ils avançaient, il se rendit compte que quelque chose se dégageait de ces œuvres. Oui, les formes et les couleurs se valaient pour elles-mêmes. Oui, même les compositions les plus convenues prenaient du sens, par tel ou tel détail. Il se surprit à employer des mots comme “audacieux” ou “surprenant” pour décrire à ses amis ce qu’il avait sous les yeux ; mais ce fut quand un des tableaux le laissa sans voix qu’il sût que son métier avait été irrémédiablement et profondément bouleversé, tout comme lui d’ailleurs.

Puis vint le moment du happening. Ils se retrouvèrent dans une grande pièce blanche, au milieu de laquelle était posé un trépied entouré d’un cadre métallique sur lequel une dizaine de tiges articulées terminées par des aérographes, d’aspect fragile, étaient fixées. D’autres tiges, qui partaient de la partie supérieure du cadre, s’incurvaient pour pointer sur la toile. Salvator supposa qu’il s’agissait de caméras miniatures. Un pupitre équipé d’un micro se trouvait quelques mètres devant l’installation, et y faisait face.

Le directeur de la galerie fit un petit discours, puis céda la parole à un homme d’une cinquantaine d’années, inconnu du milieu de l’art, qui expliqua, très à l’aise, les modalités pour communiquer avec l’IA Il s’agissait de se tenir devant le pupitre et de dire le plus simplement possible ce que l’on attendait.
La première demande fut un portrait. C’était un jeune artiste, touche-à-tout et très enthousiaste, qui commençait à percer dans le domaine de la peinture après des incursions dans la photographie et la sculpture ; Salvator n’aimait pas ce qu’il faisait, mais il trouvait le personnage intéressant et ne pouvait que saluer son travail. Le jeune homme avait posé une contrainte : « un portrait de moi original » avait-il demandé. Si l’exécution avait été étonnante de rapidité, les aérographes s’agitant de concert à une vitesse ahurissante, sans jamais se gêner les uns et les autres, le tout sans autre bruit que celui des roulements qui glissaient sur les rails, le résultat, lui, avait été à la hauteur des attentes, et avait surpris toute l’assemblée. L’IA l’avait représenté selon ce qu’elle avait trouvé sur le Web, probablement en quelques millisecondes. On le voyait tel un Shiva des temps modernes, tenant une guitare, un téléphone, un appareil photo, un pinceau, un couteau à sculpter et d’autres outils dans ses multiples mains.
Puis ce fut le tour de Salvator. Il s’approcha du pupitre et regarda l’installation, devant lui. La toile avait été retirée par des techniciens. Un nouvelle l’avait remplacée, plus grande. Il s’éclaircit la voix, prit une petite inspiration, et souffla : « Peint ce que tu ressens. »
Salavator n’avait pas voulu mettre l’IA en échec, en tout cas pas de façon consciente. Quelque part, il avait vraiment souhaité qu’elle puisse relever le défi. Alors que plus rien ne bougeait, il retenait sa respiration. Puis un bras commença à glisser sur le cadre, posant un grand aplat jaune pâle sur le haut de la toile. Un deuxième se mit en mouvement, puis un troisième. Enfin, tous participèrent. La production du tableau prit quelques minutes de plus que pour le portrait, mais elles en valaient la peine. Des couleurs vives côtoyaient de plus sombres et les gris du doute et de l’indécision se disputaient aux jaunes éclatants de la révélation. Les formes étaient à l’avenant : les angles aigus de la pression ; les lignes de la certitude ; la rondeur organique de la plénitude. Salvator était sous le choc. Ethan vint le chercher et le guida jusqu’à l’assistance. Il lui murmura quelque chose qu’il n’entendit pas. Il reprit ses esprits quand le tableau fut retiré, remplacé par une toile plus petite.

Un jeune femme en robe de soirée noire s’avança alors. « Mais d’où sortent tous ces jeunes ? » pensa Salvator, avant de se rendre compte qu’elle tenait une petite fille par la main. Il la reconnut alors : Claudia Achen, la fondatrice du collectif bitPixCode, un groupe d’artistes dont les travaux se basaient essentiellement sur des algorithmes. Parmi toutes les réputations qu’on lui prêtaient, celle de venir aux expos toujours accompagnée de sa fille de six ans était vraie. Claudia prit la petite dans ses bras pour qu’elle soit à la hauteur du micro, et lui fit un signe de la tête. La voix enfantine résonna dans la pièce. « S’il vous plaît, monsieur, fit-elle. S’il vous plaît… dessine-moi une IA » Un silence absolu accueilli la demande. Inexplicablement, Salvator sentit son cœur s’accélérer. De longues minutes s’écoulèrent sans un bruit, au bout desquelles l’homme qui avait présenté l’IA consulta son smartphone et alla murmurer quelques mots à l’oreille du directeur, qui prit la parole : « Mesdames et messieurs, c’est terminé. Je vous invite à me suivre pour prendre un rafraîchissement. »
Claudia Achen se dirigea vers la sortie, tenant toujours sa fille dans ses bras. Avant qu’elles ne quittent la pièce, Salvator eut tout juste le temps de les entendre. « J’ai cassé la machine, maman?
— Non, tu n’as rien cassé du tout, ma chérie. Au contraire. »

Les autres lauréats du concours

Les 15 meilleures nouvelles suivantes ont été retenues par le jury. Elles seront publiées dans un recueil sous le label ADELI avec le Premier prix :

  • Assier de Pompignan Priscilla “Je ne réfléchis pas comme ça”
  • Auvray Sarah “Vox machina”
  • Beffare Paulette “Une machine extraordinaire”
  • Breton Marc “Lydie”
  • Broc Sébastien “Elle avait un si beau visage”
  • Dejaegere Artus “Chérie”
  • Ermine Jean-Louis “La boîte de Pandore”
  • Jacquin Valérie “Un citoyen pas comme les autres”
  • Künzi Christophe Charles “La fillette qui n’avait pas peur”
  • Louvain Constantin “Une IA pour copilote”
  • Mallet-Ladeira Philippe “Le Petit Alpha”
  • Martini Sontag Constance “Incognito ergo sum”
  • Pirotton Pierre “Les larmes d’Athéna”
  • Saint Amand Mélanie – Yarko Boris “IA, mon amour”
  • Truca Philippe “Un petit pas vers l’humanité  En bonne intelligence”

Concours illustration

Le lauréat 2022 de notre concours illustration est Adrien Thevenin. Et la couverture du recueil de nouvelles “Concours ADELI de la meilleure nouvelle d’anticipation sur l’intelligence artificielle -édition 2022” sera :

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Illustration d’Adrien Thévenin

Adrien Thèvenin se présente

Concours 2022 les prix de la nouvelle d’anticipation et de l'illustration ont été attribués 331 ans, j’habite Strasbourg, je suis graphiste indépendant en tant que contributeur pour des plateformes de banque à images. Mon boulot, c’est de créer de la ressource graphique : icônes, templates, mockups… Rien de très créatif, c’est pourquoi quand j’ai un peu de temps, je réalise des illustrations à titre personnel. C’est la première fois que je participe à un concours, le thème m’a beaucoup plu. J’aime beaucoup les films de science-fiction, surtout d’ancienne génération comme The Thing, Predator, Alien. Ce qui explique pourquoi j’ai ce style graphique aussi vintage. Mes principaux outils sont Procreate, Illustrator et Photoshop. J’aime mélanger simplicité dans la forme et complexité dans les détails.

Compte instagram : bemidji_design

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Secrétaire adjoint
Resp. de la communication ext.
Membre du comité
Resp. Prix de thèse
Co-Resp. Prix de la nouvelle
Membre du GT métiers