Fake news environnement et numérique

Environnement et numérique, quelques idées reçues

L’empreinte environnementale du numérique

La sensibilisation fait rage et s’apparente bien trop souvent à de la culpabilisation. On montre du doigt les coupables, les addicts du numérique, inconscients des conséquences de leur comportement. Faire peser la sobriété sur les individus permet ainsi d’éviter de prendre des mesures collectives remettant en cause le modèle économique.

Sur le modèle d'”Éteignez vos télés” (référence au générique de la série Les Désastreuses Aventures des orphelins Baudelaire), on vous suggère fortement d’éteindre votre ordinateur, de limiter votre temps de connexion et le nombre de mails envoyés. Ne surchargez pas les serveurs, évitez le Cloud. Mais faites confiance à la 5G. Les conseils sont multiples et les affirmations souvent contradictoires.

Aux dires de certains, le numérique polluerait davantage que la voiture et que l’aviation. Les transports et l’élevage sont pourtant loin devant le numérique en termes d’émission de gaz à effet de serre.

Environnement et numérique - empreinte carbone moyenne en France en 2019

Le numérique pollue-t-il plus que l’aviation civile ?

Difficile de se faire une opinion tant les avis sont contradictoires sur le sujet.

Non, ce ne sont effectivement pas nos mails qui polluent le plus.

Un email est moins consommateur d’énergie qu’une application de messagerie instantanée installée sur un smartphone. L’email est une solution basique, peu consommatrice. Opter pour des plateformes de communication collaboratives comme Slack, Teams ou encore WhatsApp, afin de limiter le nombre d’emails envoyés, est ainsi une fausse bonne idée.

Parmi les recommandations farfelues que nous avons trouvées sur le Net, nous avons pu lire que l’utilisation d’un antispam  réduirait le nombre de mails reçus. Cela n’est évidemment pas le cas : les spams sont bien reçus et simplement rangés dans un autre dossier que celui de votre boite de réception. Utiliser un antispam est essentiellement une bonne pratique sécuritaire qui vous fera gagner du temps, mais ne réduira pas mécaniquement votre empreinte carbone.

Non, ce ne sont pas non plus les réseaux ni les datacenter qui polluent le plus, mais nos terminaux : smartphones, ordinateurs, tablettes, TV et objets connectés. Et ce n’est pas leur utilisation qui génère le plus d’empreinte carbone, mais leur fabrication.

La phase de production des équipements numériques représente plus de 75% de l’empreinte environnementale du numérique (émissions de gaz à effet de serre, consommation d’eau et de ressources). 88% des Français changent de téléphone portable alors que l’ancien fonctionne toujours. Entre 50 et 100 millions de téléphones dorment dans nos tiroirs. Pas moins de 70 matériaux différents, dont 50 métaux sont nécessaires pour fabriquer un smartphone.
Le flux de déchets d’équipements électriques et électroniques augmente de 2% par an en Europe.
Moins de 40% de ces déchets sont recyclés en Europe.
feuille de route numerique et environnement

L’impact environnemental de l’utilisation d’un smartphone est en fait négligeable par rapport à celle de sa production.

La phase de fabrication, qui inclut toutes les opérations nécessaires, de l’extraction des matières premières jusqu’à l’assemblage final de l’objet, concentre la plus grande partie des impacts : épuisement des ressources, consommation de grandes quantités d’eau, utilisation et rejet de produits toxiques, mais aussi utilisation de combustibles fossiles émetteurs de gaz à effet de serre.

Et, de façon plus précise, c’est la production de la carte électronique qui génère la majorité des gaz à effet de serre. (cf. l’outil interactif “des métaux dans mon smartphone ?” développé par ISF SystExt )

Mais pour garder son téléphone 6 ou 7 ans, comme certains le recommandent, encore faudrait-il qu’il soit conçu pour durer. Que l’on puisse, par exemple, changer de batterie simplement ?

La 5G réduira-t-elle ou augmentera-t-elle l’empreinte carbone du numérique ?

Les arguments des défenseurs et opposants à la 5G sont contradictoires (voir par exemple hellocarbo.com) :

Une antenne 5G est plus économe, elle produit 15 fois plus de débit qu’une antenne 4G, pour seulement trois fois plus d’électricité. Cela est vrai, mais plus le débit augmente, plus la consommation augmente également, c’est le fameux effet rebond.

Les antennes 5G remplaceront progressivement les antennes 4G, mais il en faudra 10 fois plus.

La 5G rendra les industries plus efficientes et moins émettrices. Mais avons-nous besoin de tant d’objets connectés ?

Le déploiement de la 5G entrainera en contrepartie la fabrication de nouveaux smartphones, source principale de la pollution numérique.

Le débat reste ouvert sur ce sujet. Comme toute technologie innovante, depuis le marteau jusqu’à l’énergie nucléaire, la 5G peut servir à créer ou à détruire…

Utiliser ou pas le cloud ?

Une utilisation limitée du cloud figure également dans la liste des recommandations et bonnes pratiques de sobriété numérique. Mais le Cloud est-il plus ou moins énergivore que les serveurs non mutualisés ? Les fournisseurs de Cloud prétendent mieux gérer les ressources énergétiques que les entreprises hébergeant leurs propres serveurs et avancent de multiples arguments à cet effet (voir https://www.carbone4.com/analyse-empreinte-carbone-du-cloud) : mutualisation des ressources poussée à l’extrême, utilisation d’énergie renouvelable, optimisation des ressources, de l’arrêt et du démarrage des machines ou du choix de l’emplacement des serveurs en fonction de l’intensité carbone de l’électricité locale.

Là encore, il faut se garder de réponses simplistes. Toutes les applications ne sont pas également énergivores.

Comme pour un smartphone, c’est le cycle de vie complet d’un matériel ou d’un logiciel qui doit être pris en compte. Dans le cas des applications faisant appel à l’IA, les phases de conception et de test sont les plus énergivores, car elles doivent traiter des masses de données considérables.

Il convient de remettre les comparaisons en perspective. C’est ce que nous propose l’excellent site de Clément Fournier – Rédacteur en chef de youmatter:

Oui le numérique émet beaucoup de CO2 (d’équivalents CO2). Il représente 3.8% des émissions globales si l’on prend en compte la fabrication des équipements, les consommations énergétiques et les serveurs. Et c’est 2.5 fois moins que les seules émissions directes du transport routier, sans compter la fabrication des voitures ou des infrastructures. C’est 3 fois moins que l’impact carbone de la déforestation. Ou presque 2 fois moins que la seule consommation énergétique des bâtiments commerciaux.

Donc oui, le numérique pollue. Mais il est très, très loin d’être la pire source de pollution ou de contribution au réchauffement climatique et à l’épuisement des ressources parmi les activités humaines. Or, sans cette mise en perspective, on aurait l’impression du contraire.

Quelques bonnes pratiques

  • Allonger la durée de vie des équipements : c’est la priorité et ne pas oublier leur recyclage en fin de vie
  • Utiliser des logiciels libres, plus stables et moins gourmands en ressources : ceci permet de prolonger la durée de vie des équipements
  • Réduire son temps de streaming
  • Utiliser un bloqueur de publicité : double avantage, cela réduirait l’empreinte carbone de 30 à 50 % et diminue par ailleurs le temps de chargement des pages Web sur votre navigateur.
  • Évaluer votre empreinte carbone globale : le site nosgestesclimat.fr vous permettra de relativiser la part du numérique et vous donnera quelques pistes d’amélioration.

Toutes les actions individuelles sont certes utiles, même si certaines pèsent peu. Ces actions n’ont toutefois du sens que si elles s’inscrivent dans une démarche globale contre l’obsolescence programmée et privilégiant l’écoconception des matériels.


Sources d’information complémentaires

Podcast #158 de Libre à vous ! sur « Numérique et transition écologique »

Fairphone que vaut le téléphone durable et équitable

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Publié dans Usages numériques.

Présidente d'honneur d'ADELI
Membre du comité
Responsable du GT Métiers