e-Estonie, n° 1 du numérique

e-Estonie, n° 1 du numérique 1

Nous sommes à un moment de notre histoire où tout nous questionne sur le développement (trop) rapide du numérique. Il se propage à toutes les couches de notre société. Beaucoup de dossiers restent encore en suspens. N’allons-nous pas trop vite ? Qu’en est-il de la protection et la sécurité de nos données ? Notre vie privée n’est-elle pas en train de nous échapper ? Que faire pour ceux que l’âge ou le handicap éloignent du numérique. Ne faudrait-il pas jeter un coup d’œil attentif à l’un de nos voisins, qualifié d’excellent élève du numérique ?

À l’heure de toutes ces interrogations, l’Estonie (qui n’a pris son indépendance qu’en 1991 et a adhéré à l’Union européenne en 2004) fait figure de modèle mondial en matière de numérique. Elle a été classée « société numérique la plus avancée au monde » par le magazine Wired (magazine américain spécialisé dans les nouvelles technologies). L’Estonie se révèle une précieuse source d’inspiration, particulièrement pour sa gouvernance au service des innovations.

Une société du tout numérique

Selon un autre magazine américain, Freedom House, en misant sur la citoyenneté numérique, l’entreprise virtuelle et l’éducation innovante, l’Estonie a acquis la réputation d’être un des pays les plus libres via son économie, sa presse et Internet.  Certes, on peut toujours relativiser en disant qu’il s’agit d’un État minuscule de 1,3 million d’habitants. Mais sa réactivité à l’essor des technologies de l’information et l’arrivée d’Internet est extraordinaire. Le gouvernement estonien entreprend alors sa stratégie dite du « Bond du Tigre » au milieu des années 1990 en prenant appui sur un déploiement systématique des infrastructures informatiques. Le souvenir des années soviétiques empreintes de terribles lourdeurs administratives a été le catalyseur de ces réformes.

Très vite, le digital règne en maitre dans tout le pays et fait partie intégrante de sa population au quotidien dans tous les domaines publics comme privés. Qu’il s’agisse de payer ses impôts, de créer son entreprise, d’aller chercher ses médicaments, d’assurer le suivi scolaire de ses enfants… Les différents gouvernements qui se sont succédé ont vite compris l’enjeu que représentait le tout numérique pour occuper une bonne place dans le concert de nations. Le Premier ministre en estime l’impact à l’équivalent d’une économie de 2 % de PIB par an. La digitalisation de l’ensemble de l’administration correspond à une économie de papier, que nous pouvons envier, correspondant à la hauteur de plusieurs tours Eiffel.

La carte d’identité numérique a été adoptée par 98 % des Estoniens (2001). Elle est le sésame pour toutes les actions qu’ils souhaitent entreprendre :

  • voter en ligne, bien sûr (2005) ;
  • accéder aux transports en commun ;
  • payer leurs impôts ;
  • communiquer avec les écoles de leurs enfants ;
  • demander une subvention ;
  • gérer leur santé (ordonnances médicales dématérialisées) ;
  • 1500 services sont en ligne.

Résultat garanti : moins de paperasseries, moins de bureaucratie, gain de temps.

En termes de participation des citoyens à l’action du gouvernement, il est un autre exemple : Rahvaalgatus.ee, le portail estonien d’initiative citoyenne lancé en 2016. Le peuple a ainsi la possibilité d’exprimer des propositions collectives et surtout de les soumettre au parlement… Sur une quinzaine de propositions de lois adressées par ce canal, trois ont été votées par le parlement.

Le numérique, booster de l’économie

e-Estonie, n° 1 du numérique 2Mais l’Estonie est allée encore plus loin, en créant le statut d’e-résidents (33 000 personnes) en 2014. Celui-ci est accessible à tous les étrangers. De l’autre bout de la planète, vous pouvez tranquillement créer votre propre entreprise en Estonie, la gérer et bien sûr de bénéficier de la fiscalité avantageuse du pays. Plusieurs milliers d’entreprises ont vu le jour en quelques années. Le Brexit a précipité ainsi plusieurs milliers d’entreprises britanniques vers cette solution pour rester dans le marché européen (howtostayin.eu).

Cet environnement particulièrement facilitant aux entreprises numériques hisse l’Estonie au rang de nation possédant le plus grand nombre de startups rapporté à sa population.

L’économie estonienne compte à ce jour pas moins de 8 licornes :

Enfin, la mise en œuvre du programme e-Estonia, soit une simplification réelle des démarches administratives, place l’Estonie au rang de la société digitale la plus progressive au monde.

« La petite république » qui a intégré en 2004 l’Union européenne peut s’enorgueillir d’une croissance des plus rapide de la communauté.

Du coup, ses habitants bénéficient d’une couverture de soins universelle, d’une éducation gratuite et réputée. Dans le domaine culturel, elle n’a rien à envier à la France, elle a de nombreux musées, médiathèques, théâtres. Elle a le plus grand répertoire de chansons par habitant au monde.

Elle est réputée pour son affirmation des libertés civiles, de la liberté de sa presse (selon RSF, elle est classée quatorzième dans le monde en 2020) et d’une école citoyenne classée parmi les premières d’Europe.

Estonie, un modèle exportable

Tartu la fontaine des amoureux

Tartu – capitale culturelle et intellectuelle de l’Estonie – La fontaine des amoureux

Forte de ses acquis, l’Estonie exporte son modèle dans de nombreux pays africains. C’est un continent en pleine croissance. Les dirigeants africains ont compris que le numérique était un point d’appui efficace pour leur économie, créateur d’emploi, en particulier pour la jeunesse.

L’Estonie occupait il y a une quinzaine d’années la même situation. Sa réussite exemplaire est donc un parfait sésame pour ouvrir les portes du marché africain.

La cybersécurité est de fait au centre des préoccupations des dirigeants estoniens. Ce petit pays, il y a peu encore sous influence soviétique, a connu en 2007 une cyberattaque massive qui a perturbé pendant plusieurs semaines le fonctionnement de toutes les institutions : banques, médias, administrations…

Rejoignant les préoccupations de l’OTAN en la matière, cette dernière a ouvert son centre de cybersécurité en Estonie. Le gouvernement estonien, aux fins d’éviter toutes mêmes mésaventures d’attaques par des cyberterroristes, a mis en place au Luxembourg l’équivalent d’une e-ambassade. C’est-à-dire un datacenter qui stocke la totalité des données du pays (documents d’identité, législation, impôts, retraites…). Cet ensemble bénéficie du coup des mêmes principes d’extraterritorialité qu’une ambassade classique.

Ce sujet est d’actualité, car si une invasion terrestre survenait en Estonie, un gouvernement en exil pourrait poursuivre sa gouvernance grâce à ce formidable Back-up.

Hack the crisis

Estonie

Les Estoniens encore à la pointe de la lutte pour la démocratie (Photo prise à Tallinn en juillet 2015)

Face à la pandémie actuelle, c’est encore une fois en prenant appui sur ses ressources numériques que le gouvernement estonien a fait face. Au plus haut de la crise, ce dernier lance l’idée d’un hackathon, « Hack the crisis », qui se déroulera en ligne.

Prenant appui sur la plateforme d’innovation créée par le ministère des Affaires économiques, Accelerate Estonia, et une startup spécialisée dans l’organisation d’hackathons, Garage48, l’opération est lancée.

Chaque participant est incité à mettre en avant une idée permettant de répondre aux enjeux sanitaires que pose l’épidémie et de la partager ainsi avec la communauté.

C’est un jury d’experts, privés et publics, qui choisit parmi les meilleures idées cinq lauréats. Ceux-ci sont dotés de 5 000 euros pour amorcer la réalisation de leur projet.

Dans la foulée de l’évènement, des fonds d’investissements viennent soutenir l’opération, en abondant certains des projets retenus.

1000 participants s’inscrivent en 48 heures, qui déboucheront sur une trentaine de projets.

Au final ce sont quatre de ces initiatives proposées au concours qui ont été mises en œuvre en Estonie.

Citons l’exemple de Zelos, qui a créé une plateforme intitulée Covid-help, elle met en contact les personnes âgées qui ont besoin d’une aide particulière avec un ou une volontaire. Ainsi, le système gère l’inventaire des demandes exprimées en ligne et planifie le travail des volontaires. Ce sont plus de 2000 volontaires qui se sont inscrits.

On peut ainsi explorer à l’infini la richesse et le potentiel d’innovation technologique que ce petit pays a su mettre en mouvement.

Bibliographie

Dans la Lettre d’ADELI

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Secrétaire adjoint
Resp. de la communication ext.
Membre du comité
Resp. Prix de thèse
Co-Resp. Prix de la nouvelle
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