Démocratie et réseaux sociaux

Nos démocraties sont-elles à la merci des réseaux sociaux ?

Le numérique, de plus en plus présent dans nos sociétés servirait-il des intérêts partisans ?

David Chavalarias analyse et décrypte comment la manipulation de masse se déploie sur les réseaux sociaux. Vous pouvez réécouter l’émission « L’instant M » sur France Inter animée par Sonia Devillers le lundi 7 mars 2022.

Toxic DataCet article restitue quelques informations du livre suivant :

« TOXIC DATA – Comment les réseaux manipulent nos opinions » de David Chavalarias aux éditions Flammarion.

Mathématicien, David Chavalarias est directeur de recherche au CNRS, au centre d’analyse et de mathématique sociales de l’EHESS. Il a lancé le projet politoscope  en 2016 à l’Institut des systèmes complexes de Paris Ile de France qu’il dirige. Le politoscope est un outil citoyen pour analyser les prises de parole des politiques sur les réseaux sociaux.

Cédric Villani indique que « Tous les citoyens devraient lire cet essai qui explique, mieux qu’aucun autre, pourquoi les Big Tech menacent la démocratie – et comment leur résister. »

Les Big Tech correspondent aux supergéants du numérique (ex Alphabet/Google, Apple, Meta/Facebook, Amazon, Microsoft…).

David Chavalarias a travaillé sur l’impact des infox (fake news) au travers des réseaux sociaux sur les masses indécises. Il décrit une véritable organisation de l’extrême droite mondiale (alt-right) qui a pour objectif d’affaiblir nos démocraties occidentales et d’installer des régimes autoritaires.

« Plusieurs centaines de millions de messages émis par plus de quinze millions d’utilisateurs ont déjà été récoltés et analysés ». Ces messages de twitter issus du monde politique ont permis à David Chavalarias de formuler une conjecture :

« Le modèle économique actuel de la Big Tech, fondé sur la marchandisation de l’influence sociale, est incompatible avec la pérennité de nos démocraties. »

Les réseaux sociaux nous communiquent parfois de fausses informations, envoyées à partir de faux comptes ou de robots. Des personnes extérieures au groupe concerné essayent de tirer parti du conflit. Ils génèrent du clic, du trafic.

Les faux comptes sur les réseaux sociaux

De faux comptes sont créés pour nous influencer. Ces faux comptes ne correspondent pas à une personne réelle. Ils peuvent avoir une image unique créée qui ne correspond à personne de réel, pour rendre crédible le compte. Ces images sont créées par une IA.

Les fausses images générées

Afin de peaufiner les faux profils, de fausses images sont générées.

Voici deux exemples d’images générées qui ne correspondent pas à quelqu’un.

Démocratie et réseaux sociaux 1Image gérérée par une IA

Les mèmes

Les mèmes (voir article d’Alain Coulon – Premier regard sur la mémétique) sont des contenus qui circulent de façon virale sur les réseaux sociaux. Ils sont dupliqués par les internautes en un simple clic et génèrent de l’émotion.

Entre les deux tours de l’élection présidentielle de 2017, l’alt-right a exploité des mèmes procurant des émotions négatives à l’encontre d’Emmanuel Macron. Ils ont pensé faire infléchir la décision des hésitants pour faire élire Marine Le Pen.

Rappel de quelques chiffres

Le réseau social Facebook de Meta a 2,8 milliards d’utilisateurs dans le monde.

En Russie

En Russie, les médias occidentaux ont été interdits. Facebook est considéré comme une organisation terroriste !

Vladimir Poutine durcit son discours. Pourquoi traite-t-il les Ukrainiens de nazis ? Il semble être devenu un dictateur qui ne comprend pas l’Occident et qui est devenu très dangereux.

Il considère que l’Ukraine fait partie de la Russie, ce qui a été vrai à certains moments de l’histoire et faux depuis 30 ans depuis que les Ukrainiens ont voté librement pour la démocratie.

Le Kremlin a soutenu Trump aux USA. Il soutient financièrement l’extrême droite française.

Le Kremlin a développé depuis plusieurs années des outils de propagande.

En démocratie, ce n’est pas illégal d’avoir son opinion sur différents sujets.

Sujets faisant du buzz

Un sujet qui fait le buzz est en opposition (souvent c’est une fake news ou infox) et il est re-tweeté de nombreuses fois par les amis et par les amis des amis.

Lorsque le nombre de tweet est très important, le tweet est recommandé, donc cela fait boule de neige… De plus en plus de gens le re-tweetent…

Les théories complotistes font le buzz. Elles sont relayées par des personnes de bonne volonté, mais mal informées.

Les 3000 mêmes comptes ont été utilisés dans les conflits de Guadeloupe, de Corse, d’Ukraine… par les antivax et les Pro Kremlin.

Ces 3000 comptes sont un bras de levier. Des vidéos sont fabriquées par de grandes plateformes et rediffusées par des robots. Nul besoin de présence humaine pour re-tweeter un contenu d’un ami…

C’est une guerre de l’information ! Faisons attention avant de croire un tweet, une information sur Facebook, LinkedIn, TikTok ou Instagram…

L’Ukraine a gagné la guerre psychologique ! mais à quel prix… Un pays détruit, des morts, des blessés, des réfugiés dans les pays voisins… Ils souhaitent simplement vivre en paix, en démocratie, en toute liberté. Wolodymyr Zelensky représente sa nation avec beaucoup de courage.

Les USA ont déclassifié des informations secrètes.

Poutine a influencé le Brexit. Il encourage la théorie du complot et soutient financièrement les partis impliqués.

Tout cela sert les objectifs du Kremlin : affaiblir les démocraties occidentales.

Facebook

Facebook a changé d’algorithme en 2018.

L’algorithme souhaitait optimiser le temps passé sur Facebook. Et aujourd’hui, il nous informe localement et met en avant ce qui est « significatif » pour l’utilisateur.

Le livre Toxic Data nous démontre comment le mouvement des gilets jaunes a été orchestré depuis Facebook.

L’information que chacun est amené à voir est soigneusement sélectionnée par un algorithme en constante évolution.

Facebook apprend de vos actions et le fil d’actualité se modifie en conséquence.

Ce réseau social fait la promotion auprès de vos amis des messages que vous avez appréciés. C’est ce que l’on appelle du filtrage collaboratif. Sa justification s’appuie sur le concept d’homophilie – vos amis ont tendance à vous ressembler.

Facebook fait de l’intermédiation algorithmique.

Sur Facebook, 65 % des personnes qui ont rejoint des groupes nazis l’ont fait suite à une recommandation.

David Chavalarias explique le phénomène du renforcement, de la contagion algorithmique, de la bulle de filtre, de biais de confirmation, de biais de négativité, de chambre d’écho, de score d’amplification, du score de centralité, de l’astroturfing.

« Le score de centralité d’un nœud permet, par exemple, de mesurer le pouvoir social d’un individu, c’est-à-dire sa capacité à influencer le débat public. Cette métrique, que l’on peut normaliser entre 0 et 1 se calcule à partir de l’ensemble des connections d’un réseau. »

Netflix

Sur Netflix, plus de 80 % des séries télé que les utilisateurs regardent leurs ont été recommandées par l’algorithme de la plateforme.

Google analytics

« Ce service gratuit scrute le comportement des internautes, telle une caméra de surveillance du Web. »

77 % des 10 000 sites les plus populaires sont équipés de Google analytics.

TikTok

TikTok est un réseau social géant chinois qui applique les mêmes méthodes. 22% des Français suivent ce réseau social.

« Non seulement TikTok a la main lourde sur la modération de contenu, mais l’entreprise n’hésite pas à créer elle même de faux profils pour influencer les fils d’actualité de manière plus discrète. C’est donc l’archétype de ces nouveaux usages des plateformes numériques par des régimes totalitaires, à la fois outil de contrôle des populations et cheval de Troie pour influencer les pays étrangers (le « Twitter chinois  Weibo » est à ranger dans la même catégorie). »

Eléments divers

« Il devient urgent qu’États et citoyens reprennent la main sur leurs environnements numériques, et régulent la marchandisation de l’influence sociale. »

L’éducation est le socle de la démocratie.

Ne confondons pas une opinion et un fait.

Depuis 2017 les méta-données de twitter ne sont plus accessibles.

Il est possible de savoir d’où part une infox ou une rumeur et comment les contenus numériques se propagent au sein de groupes sociaux.

Une étude a montré que seules 12 personnes étaient responsables de 65 % des contenus comportant de la désinformation antivax sur Facebook et Twitter début 2021 aux USA, et que 20 comptes antivax étaient suivis par plus de 30 millions de comptes !

Conclusion

Planète terre

Protégeons tous notre planète, elle est magnifique et elle est notre terrain de jeu !

La donnée personnelle est la colonne vertébrale du modèle économique de la Big Tech.

Il semblerait que nous soyons moins méfiants dans l’espace numérique que dans l’espace réel. En effet, nous ne communiquerions pas notre adresse à quelqu’un rencontré dans la rue !

Quand des IA pilotent à distance des milliers de faux comptes, fabriquent de faux visages, de faux textes « à la manière de », de faux profils ukrainiens avec de faux collègues de bureau, il peut s’agir d’une opération faite par le Kremlin. L’agence IRA, basée en Russie manipule les opinions.

Attention à nos comportements numériques qui ont une incidence directe sur la démocratie…

Nous devrions connaître les algorithmes de recommandation. Plus de transparence serait la bienvenue.

Nous constatons l’extrême danger des données accumulées sur nous par toutes ces plateformes.

Nous espérons la fin de tous ces mensonges, ces leurres, ces fausses informations. C’est grossier… Mais pendant la guerre, il faut faire croire à l’ennemi ce que l’on veut…

À notre époque, on ne fait pas la guerre pour une terre aussi riche soit elle. On parle, on négocie, on argumente, on achète, on paye…

La culture russe est très importante Tchekhov, Pouchkine, Gogol, Tolstoï, Dostoïevski… Il ne sert à rien de les boycotter… Soyons plus intelligents…

L’impuissance nous gagne face à cette situation malheureuse. La jeunesse russe devrait se révolter contre l’autocrate Poutine. En Russie, vous risquez 15 ans de prison si vous prononcez le mot « guerre ». Alors de quoi peut-on parler quand des chars entrent sur un territoire d’un pays voisin ?

C’est aussi un drame pour les Russes. 100 000 Russes sont déjà partis. Le peuple va-t-il prendre son destin en main ? C’est de cela que Poutine a sans doute peur. Il ira donc jusqu’au bout…

En bref, je vous recommande de lire ce livre passionnant qui nous donne des clés complémentaires sur les réseaux sociaux.

Ce qui manque aujourd’hui sur les réseaux sociaux, ce sont les journalistes d’hier qui recoupaient et vérifiaient leurs informations ! Nous sommes tous devenus journalistes, mais sans connaître le métier…

Mais il existe des sites de vérification, par exemple sur le monde et des outils de fact-checking (voir l’article de Martine Otter dans cette Lettre n° 127).

La véritable compétence numérique à acquérir est, à mon avis, celle de l’identification des fake news.

David Chavalarias nous indique, dans son livre, 18 pistes d’actions à explorer afin de réagir à cette situation.

Références

Dans la Lettre d’ADELI

 

 

 

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Publié dans Usages numériques.

Présidente d'ADELI
Membre du comité
Responsable GT IA
Membre GT métiers